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Nous avons le plaisir de vous partager le portrait de Martine Riou, actuellement enseignante au JAC, spécialisée dans la partie KATA.

Bonne lecture !

Comment et, à quel âge as-tu commencé le judo ? Pourquoi avoir choisi le judo ?

Martine Riou

Tout d’abord bonjour à toutes et tous, j’ai commencé le judo à 11 ans et demi (oui, je sais, ça fait sourire les demi-années, mais quand on est jeune, c’est important) à mon entrée en 5ème. Pourquoi le judo ? Je ne sais pas trop – ma mère nous a inscrit mes 2 frères et moi-même pour 1 h de judo le samedi après-midi. Le mercredi matin, j’avais école et l’après-midi, entraînement et match de basket. Mes frères, quant à eux, pratiquaient la gymnastique. Mais le samedi, je pense que notre pauvre mère en avait assez de supporter ses 3 diables dans l’appartement. Nous habitions le Breil-Malville et les activités n’étaient pas diversifiées comme aujourd’hui. Le centre social du Breil proposait couture (ça, c’est pour les filles et j’en faisais déjà à l’école) émaux et judo. A l’unanimité, nous avons choisi judo –

Qu’est ce qui t’a plu dans le judo ?

Pour être honnête, rien de tout cela. A 11 ans c’était de porter un kimono et faire des trucs comme Bruce Lee, l’idole de tous les gamins. J’étais dans le 3ème cours du samedi avec les ados. Nous étions 4 débutants : 3 garçons et moi – tous les autres (une douzaine) étaient déjà plus gradés et une seule fille ceinture verte. Nous nous retrouvions donc souvent ensemble tous les 4 sans problème de mixité. Au bout de 5 mois, nous devenons tous les 4, ceinture jaune et le déclic pour moi : “quand je serai grande, je serai ceinture marron” parce que la ceinture noire, c’était dans mon esprit, réservée aux adultes-profs.

Je rappelle le contexte : 3 chaines seulement de télévision et en noir et blanc en plus, évidemment pas d’internet donc les seules possibilités pour se renseigner : la lecture et la bibliothèque municipale gratuite du quartier. Je m’achète mon 1er livre de judo (que j’ai toujours mais laminé  tellement il a été lu et relu) avec toutes les prises et les immobilisations par ceinture de la blanche à la marron (pas de ceinture bicolore) : dessin, traduction en japonais et en français (méthode Kawaishi) – que du bonheur… En plus, dans Pif gadget, il y a l’histoire d’un certain « docteur justice » qui fait du judo et sa fameuse « planchette japonaise » – des mots qui sonnent bizarrement : hajimé, matté, dojo, tatami et un cadre avec un papy qu’on salue à genoux et qui s’appelle Jigoro Kano…

Voilà, je sais que j’adore ce sport, le judo, venu d’un pays du bout du monde, le Japon et dont je ne connais rien visuellement car peu de compétitions et évidemment pas de diffusion à la TV. On entendait parfois parler d’une certain Jean Luc Rougé, Thierry Rey mais ça reste vague…

Ce qui m’a plu aussi au début, c’est le sens de la hiérarchie (se placer par ordre de grade pour le salut) et évidemment évoluer dans cette hiérarchie. Également, le travail avec des partenaires plus forts mais qui ne profitaient pas de leur grade supérieur pour nous mettre la « pâtée »,à nous les débutants. Et puis, au fil des années, servir de partenaire dans les démonstrations avec « the prof », le graal…

Et la compétition dans tout cela ? que nenni, petit club donc pas affilié à la FFJDA et donc pas de compet – on pratiquait pour le plaisir d’apprendre.

Martine en compagnie de Maître Shozo Awazu

 

Est-ce qu’être judoka féminine à l’époque où tu as débuté et pratiqué en compétition était plus difficile qu’aujourd’hui ? En d’autres termes comment ont évolué les mentalités au judo (rappelons que le judo n’est devenu mixte aux JO qu’en 1992)

En fait, je crois que je ne me suis jamais posée la question. J’ai souvent été la seule fille dans mes cours et cela ne m’a pas posé de problème particulier. En général quand une féminine choisit de faire du judo, c’est qu’elle est prête à affronter ce monde. Ce sont plutôt les garçons qui sont surpris de leur pugnacité et volontarisme. Par contre, au niveau compétition (surtout les passages de grades), il est vrai qu’au vu du nombre largement plus réduit de féminines, c’était un peu plus compliqué pour avoir des partenaires dans toutes les catégories de poids.

Martine en compagnie de la championne Gévrise Emane

Au niveau international, nous devons un grand merci à de grandes dames comme Paulette Fouillet, Jocelyne Triadou, Brigitte Deydier un peu plus tard et beaucoup d’autres, qui ont tracé le chemin à suivre…

Dans le département, j’ai été dans les 1ères à entrer dans le comité départemental de judo de Loire-Atlantique, le management était plutôt masculin. A nous de jouer – avec Dominique Perez, nous avons organisé des stages sportifs pour les compétitrices du département d’une journée pour commencer et ensuite 1 semaine comme nos homologues masculins. Aujourd’hui, c’est une femme qui est à la tête du CD 44 !

Est-ce que tu étais compétitrice, et, si oui, quels résultats as-tu obtenu ?

Oui, j’ai fait un peu de compétition que j’ai découvert assez tard, vers 17 ans quand un certain Bernard Pallier est devenu prof au Breil et m’a inscrite à ma 1ère compétition, directement en région (il avait oublié de m’inscrire pour les départementaux) et je termine 3èmewhaouh, j’adore la compet…Bernard crée le JAC et je quitte le Breil pour mes nouvelles aventures au JAC, à l’autre bout de la ville de Nantes. J’y retrouve Kakou (Catherine Moulet) qui était également au Breil dans le cours des adultes. Je passe ma ceinture noire 1er dan à 18 ans et je deviens championne de France Universitaire à 19 – j’enchaîne les compétitions et les titres en  département  et  en  ligue (région) –  je deviens une seule fois championne d’inter région (ce niveau géographique – pays de Loire, Normandie et Bretagne – n’existe plus mais pour participer, à l’époque,  au championnat de France à Coubertin, il fallait grimper sur la boite).  Je participe à une dizaine de sélections aux championnats de France à Paris mais 1 seule fois sur le podium : 3ème. Je fais également une dizaine de podiums en championnat de France universitaire et une fois mes longues études terminées, je me lance dans le Corpo ( les salariés représentant leur entreprise) et je deviens championne de France corpo en 1998 – ensuite 1 de mes genoux me lâche snif…

Quel est aujourd’hui ton grade ? Je suis 5ème dan depuis 1995

Qu’est ce que le judo t’apporte au quotidien (sur et en dehors des tapis) ?

En résumé, d’être bien dans sa tête – et le reste suit… Petite anecdote : je suis amenée à embaucher pour me seconder et je commence par regarder les activités extra professionnelles et le bonheur quand je vois « pratique du JUDO » – des points en plus…

Quelles sont les valeurs essentielles que tu aimes dans cet art martial ?

Ce que j’aime toujours dans ce sport (qui entre nous, est plus qu’un sport) c’est l’échange et le partage au sens large donc un mélange de respect, d’amitié, de modestie car on apprend de tous et tout le temps – les échanges entre partenaires pour progresser ensemble, les échanges entre adversaires qui permettent de se remettre en question que l’on soit gagnant ou perdant (au judo, il n’y a jamais de perdant mais le concept est un peu compliqué à comprendre pour les enfants et compétiteurs débutants), les échanges et partages d’idées, les échanges et partages d’expériences et de méthodes entre profs  ou gradés etc…

Mouvement de jujitsu avec Luc Normand (7ème dan de jujitsu)

Comment est tu venue à te spécialiser dans les katas ?

Quand on fait du judo tous les jours et que tout d’un coup, l’âge et le corps vous ramènent à la réalité, j’ai eu du mal à trouver une nouvelle motivation pour m’entrainer. Tout au long de mes passages de grades, j’ai travaillé différents katas réclamant de plus en plus de maitrise et de maturité. Je n’ai pas toujours trouvé au JAC le savoir pour m’apprendre tous ces katas. Je suis allée voir les hauts gradés du département et de la ligue et j’ai adoré ça. Donc, après le grand vide  d’après compet, la transmission de mon savoir sur les katas m’apparait comme une évidence

Explique nous ce que sont les katas ?

Malheureusement en France, l’approche des katas n’est pas très satisfaisante à mon goût. En effet, la plupart des profs ne font apprendre les katas à leurs élèves que pour passer leur 1er dan car c’est une étape obligatoire.

Et pourtant, le kata, ce n’est que du judo mais codifié dans un cérémonial. Je ne vais pas vous faire l’affront de vous rappeler que le judo est un art martial japonais. Par contre, ce qu’il faut savoir c’est qu’à l’origine du judo ju jitsu, la culture japonaise est secrète donc orale. Les écoles de judo et ju jitsu sont nombreuses et chacune tente de garder et de transmettre à leurs propres membres leurs techniques. Jigoro Kano, en formalisant les katas, a voulu en faire un instrument de transmission. En fait, c’est la mémoire du judo ju jitsu.

D’autres disciplines, comme le karaté, ont mieux compris, à mon sens,  l’intérêt du kata car dès le début de la pratique, les élèves commencent à apprendre la technique à travers le kata. Les randoris ou combats ne viennent qu’après. Néanmoins, il faut constater que le nage no kata (le 1er kata officiel pour passer son 1er dan de judo) est un kata de projections. Certaines étant un peu sèches, il vaut mieux avoir une bonne expérience des chutes avant de le pratiquer.

Travail du koshiki no kata avec un haut gradé Michel Vincent

Il existe divers katas en judo qui sans parler de hiérarchie, réclameront aux pratiquants beaucoup de maturité (notamment le kimeno kata – kata de décision qui utilise des armes).

Quelles sont tes attentes lorsque des judokas veulent passer des katas

Je tente à chaque saison le pari de transmettre un peu de culture judo. Cela reste mon objectif 1er alors que pour mes élèves, ce qui compte surtout c’est l’efficacité de l’enseignement afin de passer au plus vite leur kata pour la ceinture noire tant désirée. Je ne peux pas leur en vouloir, c’est du vécu personnel. Mais plus mes élèves veulent progresser dans leur passage de grade ou dans leur pratique, plus ils sont à la recherche d’autres choses que la répétition de mouvements codifiés. Ils attendent surtout de comprendre pourquoi ils font les gestes de telles et telles façons. Le judo est avant tout un sport de réflexion d’où le terme « art ».

Ensuite, le kata ne s’apprend pas que sur youtube, donc cela demande de l’investissement : travail et  motivation.

Tu es membre du jury kata pour la région, explique nous comment se déroule les passages de grade, qu’attendez vous des candidats ?

Oui, cela fait une vingtaine d’années que je suis jury de kata au niveau de la région pays de Loire. Ce que nous attendons des candidats, avant tout, c’est de faire de leur mieux avec leurs moyens. Je suis très attachée à tenir compte de l’âge des candidats – non pas qu’ils sont moins bons physiquement ou autre, mais surtout qu’à 30 ou 40 ans, les derniers examens scolaires commencent à dater et  ce n’est pas évident du tout de passer un examen devant un jury par rapport à leurs plus jeunes collègues. Le stress peut vous faire passer à côté de la prestation malgré des heures et des heures de travail et notre job, c’est aussi de mettre à l’aise les candidats. Pour le reste, c’est à dire, la démonstration, on voit tout de suite si le kata a été travaillé ou non.

Tu es un pilier du JAC, quel est ton parcours dans ce club ?

Je suis arrivée au JAC dès sa création en suivant comme dit précédemment, mon prof du Breil. C’était ma 1ère année de fac donc mes parents n’ont pas trop « tiqués » à me voir parcourir 10 km (aller) en mobylette (et oui, pas encore de voiture) 2 soirs par semaine. Et puis, au bout d’1 an, le club se développe et on me demande de faire des cours aux enfants en binôme avec Kakou – la graine est semée… j’adore ça. Je prends de plus en plus d’horaires de cours (mardi soir, mercredi après midi et samedi après midi également) + le suivi des compétions des enfants le dimanche.  Je passe mon brevet d’Etat de judo tout en poursuivant mes études de droit et je continue de pratiquer le soir. Je rentre au comité directeur en 1980 et deviens secrétaire l’année suivante pendant que kakou deviendra trésorière et elle assumera ce rôle pendant une trentaine d’année). Je passe aussi mes grades d’arbitrage car ce n’est pas nouveau, à l’époque aussi il y avait un besoin d’arbitre. Je suis donc arbitre régional mais plus très à jour. C’était très courant, lors des compétitions, qu’après les combats, on devenait arbitre pour compléter le tournus. J’ai même vu mon 1er prof qui était en fac de médecine, terminer son combat, se précipiter sur un tapis car un combattant était blessé et terminer sa journée en arbitrant – c’était le bon temps mais totalement surréaliste aujourd’hui…

Et puis, en juin 1989, je quitte tout cet univers, MON univers,  pour mon 1er poste de juriste à Chartres – et non, pas Chartres de Bretagne dans le 35 mais en Eure-et-Loir dans le 28, à  plus de 300 km du JAC. J’y suis toujours et je reviens tous (ou à peu près)  les vendredis soirs depuis 32 ans pour transmettre et recevoir.

Qu’est ce qui fait, à tes yeux, la singularité du JAC ?

C’est tout ce que je viens de raconter, on l’aime ce club et on y revient malgré les péripéties de la vie (déménagement, activité professionnelle prenante, vie de famille) – il n’est pas rare de retrouver des enfants de nos plus anciens adhérents qui s’inscrivent au JAC.

C’est un club de fidèles – et pour paraphraser Mamy (notre ancienne présidente durant 3 décennies) : « club sympathique et dynamique » –

Martine en compagnie de Stéphanie Clouteau, François Bard et Dominique Rennou dit Mamy du JAC